L’ISF : Ubu roi !

Est-ce la der des ders ? A entendre les quatre principaux responsables politiques de droite, l'alternance en mai prochain pourrait entraîner la remise en cause de cet impôt. La déclaration 2016 donne l’occasion de revenir sur les travers de cette exception fiscale française en Europe. 

Insertion dans une législation fiscale d'une imposition du patrimoine vise traditionnellement deux objectifs. Dans une logique économique, i lustrée par Maurice Allais, l'existence d'un impôt sur le capital conduit, pour le plus grand profit de la collectivité, son détenteur à en accroître la productivité. L'impôt s'apparente alors à un véritable aiguillon. Sur le plan fiscal, un impôt sur e patrimoine permet d'appréhender la réalité des facultés contributives des contribuables.

Ainsi seul distingue-t-il le Maharadja, couché sur son tas d'or et de perles, du mendiant assis aux portes du Palais.

Or, du fait de ses caractéristiques actuelles, l'ISF ne répond ni à ces objectifs ni aux critères d'un bon impôt : la pérennité, assortie d'un taux bas et d'une assiette large.

Dans une approche classique, les prélèvements obligatoires, nécessaires au financement de la dépense publique, sont censés avoir un effet neutre sur le comportement des agents économiques.

Ainsi, à l'image de la TVA, ne doivent-ils pas venir diminuer l'efficience de la « main invisible chère à Adam Smith ». En l'occurrence, l'ISF déroge clairement à ce principe ancestral, en arrêtant nombre d'exonérations totales (les œuvres d'art) ou partie les (la résidence principale, les bois et forêts). Or, chacune de ces exceptions introduit un biais dans une affectation efficiente du capital Quant à 'exonération de la détention d'actifs professionnels déficitaires, e le ne participe guère de l'optimisation du capital

Premier motif d'une fuite du capital

Les modalités suisses d'imposition du capital - un taux bas, une assiette exempte d'exonération (le gruyère suisse est sans trou), jusqu'à l'assujettissement des personnes morales — n'appellent aucune réserve, par leur cohérence. A leur exacte opposée, les caractéristiques de IIISF constituent le premier motif d'une fuite du capital.

Le rendement annuel d'un placement (dit) sans risque, symbolisé par l'OAT à 10 ans, vient de passer en dessous de 0,5 %. Ainsi, l'actuel taux marginal de l’ISF (1,5 %) débouche-t-i sur une véritable euthanasie des épargnants, avec un prélèvement, au seul titre de la détention d'un capital, supérieur à 300 % de son rendement.

Quant aux rentiers (et plus gravement encore futurs rentiers), ils sont logiquement conduits à exercer deux droits fondamentaux, posés par la construction européenne : la liberté de mouvement des personnes et la liberté de mouvement des capitaux. Naturellement, les services de

Bercy continuent d'être dans le déni à cet égard et es statistiques font étrangement défaut. Pour autant, les preuves de cette hémorragie sont multiples : de a floraison, dans nos hebdomadaires, de petites annonces immobilières consacrées à de cossus hôtels particuliers sis sur la rive droite du Léman, à l'inflation des inscriptions au Lycée français de Bruxelles

Or les conséquences de ces exils fiscaux sont majeures pour l'équilibre de nos finances publiques et plus encore pour notre économie. Sur le plan fiscal, outre I'ISF, les exilés fiscaux cessent surtout immédiatement de régler l'impôt sur le revenu, la CSG et toute taxe sur leur consommation... et à terme les droits sur les donations et successions. Sur le plan, les pertes induites pour notre collectivité s'avèrent plus lourdes encore.

Ainsi, pour éviter toutes contestations, les exilés prendront-ils garde à transférer à l'étranger l'essentiel de leurs capitaux et activités entrepreneuriales.

La recette énoncée de l’ISF, de 5,6 MG, n'intègre naturellement pas ces pertes de ressources fiscales, de cap taux, voire de talents et d'activité.  L'absence même de calcul à cet égard sonne comme un aveu.

L'ISF, un impôt foncier bis !

Un prélèvement, au seul titre de la détention d'un capital, supérieur à 300 % du rendement de l'OAT

La seconde logique d'une imposition sur le capital n'est pas plus satisfaite par notre ISF. L'appréhension des capacités réelles du contribuable est doublement hors d'atteinte. En premier lieu, la multiplication des exonérations (les œuvres d'art, l'outil de travail, les bois et forêts...) tend à transformer l'ISF en un nouvel impôt foncier.

Or, es actifs immobiliers sont déjà, par ailleurs, assujettis aux impôts locaux et, périodiquement, aux droits de mutation (à titre onéreux ou gratuits). Plus grave, l'ISF ne satisfait en rien l'équité entre les contribuables pourtant à la base du consentement à l'impôt. En effet, son taux est totalement décarrelé des marchés financiers.

Pour des motifs exclusivement politiques, il a été fixé, en 2012, au même niveau qu'en 1982, alors qu'entre temps, le rendement de l'OAT, à 10 ans, est passé de plus de 15% à mo ns de 1%. Or, une simple règle de trois voudrait que son taux supérieur corresponde, comme en 1982, à moins de 10 % du taux de l'OAT de l'année précédente (soit actuellement à moins de 0,1%.

Cette distorsion grave induit potentiellement une violation des termes de notre déclaration des droits de l'homme de 1789. Les prélèvements ne peuvent revêtir un « caractère confiscatoire ». Par suite, le Conseil constitutionnel a conditionné sa validation de notre législation afférente à I'ISF, à l'adoption d'un « plafonnement fiscal ». Or, l'existence de techniques de capitalisation des revenus (à l'exemple de l'assurance vie, de SCI à I'IS...) offre un boulevard à l'optimisation d'un tel plafonnement supprimant toute équité entre les contribuables

L'équation de ce plafonnement est fort simple à énoncer. La sommation de l' R, de la CSG et de l'ISF ne doit pas dépasser 75 % des revenus du contribuable. Si ce dernier a pris soin de placer la totalité de son capital au sein de contrats d'assurance vie en unités de compte, il suffit, pour financer son train de vie, de racheter un de ses contrats, exempt par hypothèse de « produit » (tout en voyant l'ensemble de son patrimoine éventuellement s'accroître) pour s'exonérer de tout impôt sur le revenu et prélèvement social.

Quant à son ISF, il sera réduit à zéro, puisqu'il ne peut dépasser 75 % de ses « revenus ». Cette solution a été confortée avec une rare force par deux décisions du Conseil constitutionnel posant qu'en l'absence de sa perception, la valorisation d'un capital — au demeurant toujours temporaire et donc incertaine — ne saurait être qualifiée de « revenu », au sens du plafonnement de l'impôt. Dès lors, notre Maharadja peut-il faire fructifier son patrimoine, sans subir plus d’imposition que le mendiant a la porte de son palais !

Cette possibilité illustre à merveille l'absurdité de notre système fiscal. Notre législateur arrête, sur un fondement exclusivement de marketing politique, un taux d'imposition dénué de toute cohérence financière. Ce faisant, il contraint notre juge constitutionnel à rappeler les fondements de notre droit qui débouchent sur une nouvelle forme d'iniquité.

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