Assurance vie : responsabilité en cas de moins-value des UC

A la suite de la souscription d'un contrat en unités de compte (UC), le client peut-il invoquer un défaut d'information et de conseil en cas de moins-value ?

La Cour tranche deux questions : la notion d'investisseur averti (oui), le manquement à l'obligation d'information et de conseil précontractuelle et contractuelle de l'assureur (non). Cass. lère civ., 17 févr. 2016, n°14-29.349.

En matière d'assurance vie, lorsqu'un adhérent constate une dépréciation des sommes investies sur son contrat, il peut chercher à engager la responsabilité de l'assureur sur le fondement du défaut d'information, de conseil et de mise en garde. Pour y parvenir, encore faut-il qu'il ne s'agisse pas d'un investisseur averti.

Au cas d'espèce, le 19 avril 1996, M et Mme X ont souscrit un premier contrat d'assurance vie à capital et taux garantis en euros. Afin de diversifier leur épargne et de compenser le rendement jugé insuffisant du contrat en euros, ils souscrivent un second contrat, en unités de compte, le 18 mai 2000 pour un montant initial de 4 500 000 F à partir d'une avance opérée sur le premier contrat dont l'encours s'élevait alors à 9 000 F.

Ils donnent mandat à l'assureur afin d'opérer en leur nom et pour leur compte le choix des supports financiers de ce contrat en fonction de l'orientation de gestion suivante « objectif diversifié composition entre -45 et 75 % d'actions, gestion recherchant la plus-value en capital en participant à l'évolution du marché

Une « promesse de rendement de 10 à 20%»

Le 9 mars 2005, ils modifient cette orientation de gestion et optent pour « un objectif dynamique : horizon de gestion long terme recherchant en priorité la performance à long terme par une gestion active privilégiant les marchés d'actions à travers l'utilisation d'au moins 60 % d'actions ».

Ayant subi des moins-values importantes, les époux X assignent l'assureur le 6 octobre 2011 pour manquement à son obligation précontractuelle d'information et de conseil, en faisant valoir que celui-ci leur a promis un rendement de 10 à 20%, sans les informer du caractère risqué du placement, et manquement à son obligation contractuelle de conseil au cours de l'exécution du contrat d’assurance, en s'abstenant en 2003 (lors de la crise financière) de toute mise en garde, et en s'abstenant en 2005 de tout conseil lors de la modification de l'orientation de gestion.

Ils formulent à ce titre une demande de dommages et intérêts à hauteur de 540 000 €, calculée d'après la perte de chance de ne pas avoir conservé la somme placée dans le second contrat sur le premier contrat en euros à un taux de 5%.

Leur demande est rejetée en première instance, l'assureur n'ayant contracté aucun engagement de performance, Mr et Mme X ayant été informés de la nature et du fonctionnement du contrat en unités de compte, ainsi que de la composition et de l'objectif du profil choisi.

Par déclaration du 17 juillet 201 2, les époux X interjettent appel de cette décision.

Par un arrêt du 21 octobre 2014, la cour d'appel de Paris leur accorde une indemnisation de 8 000 € sur le terrain de l'obligation précontractuelle d'information et de conseil considérant que l'information donnée qui « ne faisait pas explicitement et clairement apparaître la nature et l'importance du risque pour des investisseurs, qui dans leur relation avec la (Compagnie) s'étaient jusqu'alors montrés soucieux de gérer à moindre frais et au meilleur profit leur capital, ne saurait être regardée comme appropriée de sorte qu'il convient de dire que la (Compagnie) a manqué à son obligation ».

La cour d'appel confirme toutefois l'absence de manquement de l'assureur à l'obligation contractuelle d'information et de conseil en cours d'exécution du contrat au motif que « les époux ont reçu au cours de la vie du contrat des informations régulières de la Compagnie sur celui-ci et sa valorisation (en profit ou perte) » et que « non seulement M. X.. avait une connaissance exacte et précise de l'état et de l'évolution de son épargne mais qu'il était conscient que le second contrat était soumis a des « aléas de gestion » allant « probablement conduire à une lourde moins-value... ; Que la rupture entre le client et /a (Compagnel s'est en fait affirmée après la crise financière de 2008, M. X... en mesurant les conséquences sur son contrat au regard de l'option choisie, que cette situation ne peut encore être imputée à la (Compagnie) qui, par courrier du 2 février 2009, conseillait à son client de se repositionner sur une orientation défensive puis sécuritaire, ce qu'il ne semble pas avoir fait I..J

Aucune indemnisation

Les époux X se pourvoient en cassation.

Par un arrêt du 17 février 2016, la première chambre civile casse l'arrêt de la cour d'appel de Paris en refusant toute forme d'indemnisation, au profit des époux X, au titre d'un manquement à une obligation d'information précontractuelle ou contractuelle de l'assureur.

Au titre de l'obligation contractuelle elle décide, en reprenant les motifs précités, que la cour d'appel a légalement justifié sa décision.

Au titre de l’obligation précontractuelle, au visa de l’article 1147 du Code civil, elle énonce « qu'après avoir constaté qu'au moment de la souscription du contrat litigieux, les époux X qui ne contestaient pas avoir reçu la notice d'information décrivant les caractéristiques du produit, avaient opté pour un profil de gestion diversifiée avec un portefeuille composé de 45 à 75 % d'actions, et relevé que M. X avait manifesté qu'il avait une connaissance expérimentée des mécanismes financiers en cause, ce dont il résultait que les souscripteurs étaient des investisseurs avertis des risques inhérents au placement qui leur était proposé, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé

L'argumentation des époux X avait peu de chances de prospérer puisqu'ils avaient opté eux-mêmes pour un profil plus risqué en cours de contrat alors qu'ils avaient la possibilité de sécuriser leur placement, comme l'avait conseillé l'assureur. Mais c'est surtout l'expérience de M. X en matière financière, matérialisé par les nombreux échanges de courrier qu'il entretenait avec l'assureur qui a conduit à écarter toute indemnisation y compris la somme de 3 000 € accordée par la cour d'appel

La décision doit être approuvée. Elle confirme une jurisprudence bien établie consistant à prendre en compte l'expertise de 'adhérent lorsqu'il invoque un défaut d'information ou de conseil. La Cour de cassation avait ainsi considéré que « les engagements de l'adhérent étaient clairement indiqués dans les documents signés par M. D qui, ancien élève à la fois de l’Ecole normale supérieure, de l'IEP de Paris et de JENA et agrégé de sciences physiques, ne pouvait pas ne pas les comprendre » (Cass. civ 1ère 18 février 2003 nogg-17 61 9).

 

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